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Le vin des accouchées
Ecrit par Alexandre Truffer
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Dans Quand le bois sert à boire, on trouve un texte de Samuel Pont consacré aux coupes de l’accouchée. L’ethnologue y relève que la coutume d’offrir aux jeunes mères un gobelet était courante dans plusieurs régions françaises et italiennes. Le récipient, en argent ou en céramique dans les centres urbains, était en bois dans les zones rurales comme le Valais.
Quelques rares «coupes de l’accouchée» ont échappé aux ravages du temps. Elles ornent désormais les vitrines des musées ethnographiques ou viticoles. Leur utilisation a complètement disparu dès le début du XXème siècle. Si ce type de récipient fait partie du passé, le vin des accouchées, lui, demeure beaucoup plus connu.
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Musée valaisan de la Vigne et du Vin. Photo R. Hofer |
Les témoignages historiques relevés par Samuel Pont montrent que le Muscat, la Malvoisie, l’Humagne Rouge ou le Cornalin, appelé alors Rouge du Pays, jouent parfois le rôle de breuvage reconstituant dévolu aux parturientes. Cependant il s’agit d’exceptions et le vin qui remplit traditionnellement cette fonction est l’Humagne Blanche.
Ce cépage, qui n’a rien à voir avec son homonyme rouge, figure parmi les plus anciens attestés historiquement puisqu’un document de 1313 en fait mention. Cultivée uniquement en Valais, cette variété donne des crus fins qui vieillissent très bien. Appelée parfois «vin des nobles» ou «vin des chanoines», sa rareté la destinait aux grandes occasions. Une croyance populaire, qui n’a été démentie qu’en 2004 par une analyse des laboratoires de Changins, attribuait à l’Humagne une teneur en fer trois fois supérieure à celle des autres vins.
Si l’Humagne porte désormais le nom de «vin des accouchées», les recherches de Samuel Pont montrent qu’elle n’était souvent que l’ingrédient principal de breuvages thérapeutiques destinés aux jeunes mères. Les ingrédients de ces potions différant de village en village, voilà quelques recettes retrouvées par le chercheur valaisan.
En 1825, l’abbé Fardel, curé d’Ayent, écrit que: «Un verre matin et soir de Muscat ou, mieux, d’Humagne, aromatisé à la cannelle, au safran et à l’hysope, pris pendant les quelques jours qui précèdent l’accouchement, est une bonne mise en condition.»
Dans le Val d’Anniviers, pour fortifier la jeune mère «on lui donnait du Muscat sucré ou de l’Humagne avec des œufs battus. Si la femme était trop affaiblie, on lui donnait du vin chaud sucré dans lequel on a cuit de la viande de marmotte.»
A Vercorin, on donnait aux femmes en couches : «un bouillon avec de la graisse de marmotte, du vin Muscat ou Malvoisie, avec de la muscade et dans lequel on a trempé un fer rouge…».
A Evolène, dans le Val d’Hérens, on faisait un vin chaud avec 2 litres d’Humagne Blanche, 250 grammes de sucre candi, 3 cuillérées à soupe de miel du pays, une demi-noix de muscade et 3 ou 4 clous de girofles.
Les jeunes mères avaient droit au «vin des accouchées» pendant une dizaine de jours durant lesquels elles consommaient entre un et deux litres de ce fortifiant. La cure, destinée à refaire le sang ainsi qu’à nettoyer les organes mis à mal par l’enfantement, se terminait quand avait lieu la cérémonie des relevailles. Ce rituel catholique, aujourd’hui peu pratiqué, consistait en une bénédiction donnée par le prêtre aux femmes relevant de couches. Acte de purification, il dérive de la cérémonie juive qui prescrivait aux mères de se montrer au Temple quarante jours après avoir donné naissance à un fils (quatre-vingt jours pour une fille).
Sources bibliographiques: Musée valaisan de la Vigne et du Vin. Photo R. Hofer La coupe et le vin de l’accouchée, Samuel Pont, dans Quand le bois sert à boire (Ouvrage collectif du Musée valaisan de la Vigne et du Vin publié sous la direction d’Anne-Dominique Zufferey-Périsset) Editions du Musée valaisan de la Vigne et du Vin, Sierre-Salquenen, 2005.
Truffer Alexandre ©RomanDuVin.ch 2006
Page publiée le 28 Avr, 2006
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